ART SUD – Numéro 56
1er Trimestre 2007
La religieuse de Madrigal, c’est Ana d’Autriche, fille de Don Juan, demi-frère de Philippe, roi d’Espagne. Elle sera placée dans un monastère à l’âge de six ans. Contrainte de prononcer ses vœux, elle semble condamner à l’oubli, lorsque naît une passion tumultueuse entre elle et un homme qui dit être Gabriel de Espinosa, mais que la rumeur prétend être Don Sébastien, le roi disparu du Portugal. Comme il nous l’explique dans l’avant-propos de son ouvrage, Michel Del Castillo portait ce livre en lui depuis plusieurs années sans pouvoir se décider à l’écrire. Les réserves, qu’il a toujours émises sur les livres historiques, sont une des raisons de sa réticence. Car il s’agit bien d’un livre historique, on pourrait même dire un livre d’histoires, avec un “s”, tant celles de l’écrivain et de son héroïne sont étroitement imbriquées, malgré les siècles qui les séparent. L’auteur porte une tendresse sincère à cette “petite sœur”, comme lui, abandonnée. Il y a une véritable implication émotionnelle dans l’écriture de l’auteur. De nombreux parallèles sont faits entre la propre expérience de Michel Del Castillo et celle d’Ana, ce qui permet à ce dernier d’approcher au plus près la personnalité de son personnage. De plus, il d’ajoute, à des faits historiques avérés, des précisions judicieuses sur les motivations intimes, les états d’âme et les espoirs de cette jeune femme victime de la raison d’état, même si cela reste du domaine de la supposition. Comme indiqué plus haut, c’est un vrai livre historique, mais qui n’a rien d’académique. Une approche originale, presque un roman… une “affaire” entre l’auteur et ses démons, ceux-là même, suppose-t-il, qui ont dû hanter cette pauvre Ana d’Autriche, lorsqu’elle fut oubliée de ceux qui devaient l’aimer. Tous les thèmes chers à Michel Del Castillo sont là : enfance bafouée, manipulation du pouvoir, passion de la liberté, illusion de toute vie…
Jean-Claude Di Ruocco
320 pages – Fayard – Le Seuil – 20 euros