ART SUD – Numéro 57
2eme Trimestre 2007
Bien-sur, lorsqu’il s’agit d’un livre de Joachim Maria Machado de Assis, certainement le plus grand écrivain brésilien du XIXe siècle, un sentiment de respect et de gourmandise se saisit de chaque lecteur, surtout pour qui a lu “l’Aliéniste”. Père du réalisme brésilien dont la lignée littéraire comprend, entre autres, Garcia Marquez et Borges, sa stature est telle que lorsque que l’on est amené à parler de l’un de ses romans, on est déjà sous influence et l’on craint forcément de passer à côté de l’essentiel message… Vous savez, ces évidences qui planent quelque part du côté des non-dits qui, insidieusement, finissent toujours par éveiller en vous un sentiment d’inachevés, le relent doux-amer d’une insatisfaction, cette impression de défaite au cœur de la plus éclatante des victoires, qui est presque la marque de fabrique de cet auteur et qui ici n’agit qu’avec la mécanique bien huilé du savoir faire, sans que l’âme n’ai vraiment son mot à dire.
Son héros, le conseiller Aires, qui à passer sa vie dans les arcanes de la politique, revient au pays où l’attend sa sœur, fait la connaissance des amis de cette dernière et peu à peu finit par tout connaître de leur vie. Il entreprend de conquérir une jeune veuve et note méticuleusement le déroulement de cette chronique mondaine sur son journal que Joachim Maria Machado de Assis nous livre avec un soucis du détail qui ne laisse pas la moindre place aux accents romantiques qui impreignaient son œuvre à ses débuts. On est loin ici du réalisme osé et inclassable qui a fait sa renommé. De longues explications et un immobilisme lancinant, voilà qui est paradoxal pour un auteur qui dans “Esaü et Jacob” ecrivait : « Les explications font dépenser du temps et du papier, retardent l’action et finissent par ennuyer… ».
Abolition de l’esclavage, reflexion grinçante sur le temps qui passe, fin d’un monde qui vacille sous le poids de son immobilisme, personnages pris en otages par des traditions surannées… Tous les ingrédients sont là mais…
Jean-Claude Di Ruocco
Traduit du Brésilien par Jean-Paul Bruyas
160 pages – Métailé – 9 euros