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RUE DE LA MISÉRICORDE – Adolfo Caminha

ART SUD – Numéro 57
2eme Trimestre 2007

Au XIXe siècle au Brésil, “L’esclave marron” Amaro rejoint l’armée où il deviendra, pour ses compagnons, Bom-Crioulo (Bon noir). Il est embarqué sur un vieux transporteur de la marine. La discipline militaire lui semble du pain béni d’autant plus qu’il mange à sa faim et fait l’apprentissage de la liberté au contact des marins qui le considèrent comme l’un des leurs. Ainsi, d’affectation en affectation, il saura se faire apprécier jusqu’au jour où il tombera sous le charme d’Aleixo, un jeune mousse qui va s’emparer de son imagination jusqu’à le hanter. Lui, qui a connu l’esclavage dans les plantations de café, va en découvrir un autre, celui du désir. Au-delà de la possession animale entre deux être de même sexe, c’est une véritable passion amoureuse qui dès lors va le retenir prisonnier, et pour un homme en quête éperdue de liberté, la libération ne pourra être que dramatique. Ce livre écrit en 1895 est d’une beauté rafraîchissante. Le sujet abordé ici est audacieux et précurseur, à l’image d’Adolpho Caminha dont les différents livres firent scandales en leur temps. Cet écrivain, qui a grandi à Fortalerza, a participé à un mouvement avant-gardiste “Padaria espiritual” (Boulangerie spirituelle) qui s’inspire du positivisme et du naturalisme.
Ce livre déborde de descriptions d’un réalisme saisissant, de personnages dont la psychologie et les motivations sont disséquées avec minutie sans que cela n’affaiblisse en aucune façon la qualité remarquable du récit. Avec ce héros homosexuel, au-delà de la transgression des tabous, l’auteur nous parle de l’inépuisable sujet, celui de l’amour, qui reste, quelque que soit la sexualité de celui qui l’éprouve, l’énigme éternelle devant laquelle chacun de nous a, un jour où l’autre, perdu un peu de ses illusions.

Jean-Claude Di Ruocco

160 pages – Métailié – 7 euros

 

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