Extrait de VOYAGEURS IMMOBILES
La Maison est vide, ses volets verrouillés
vaisseau qui dérive jusqu’aux berges de Juillet,
empli de porcelaines, de draps amidonnés,
photos des joies anciennes sur le papier fané.
Ses poutres centenaires, sous les tuiles moussues,
se souviennent que naguère elles régnaient,
sur de lointaines terres à leurs pieds étendues,
composant de leurs troncs une immense forêt.
Dans le jardin, janvier récite sa complainte.
Les arbres échevelés libèrent les copeaux,
de leurs corps torturés qui ne cessent de geindre
aux souvenirs lointains des étés les plus chauds.
Les collines par là sont pleines de fantômes,
légendes d’autrefois qui se sont effacées,
effrayaient les enfants, faisaient rire les hommes,
se signer les mamans en un geste discret.
C’est là que j’ai grandi, autant qu’il m’en souvienne.
sur la pierre érodé un prénom est gravé,
d’une qui m’a aimé, qui fut ma souveraine
et dont l’amour depuis n’est qu’un vague regret.
Le mistral, acerbe, applique sa tyrannie,
pousse ses chevaux à l’assaut de mes nuits,
sur le toit enfumé de ma maison transie
où mes vieux os reposent dans les draps de l’oubli.
Jean-Claude Di Ruocco
Ilustration : Eliane Di Ruocco (collection privée)