Extrait de VOYAGEURS IMMOBILES – Lunegarde © 2013
Le temps et les pèlerins
Désormais, il repose dans un blanc mausolée,
le noble et beau guerrier, l’ami de tous les poètes.
Sur le seuil de ce lieu, à présent devenu sacré,
le temps ralentit sa course et soudain s’arrête.
Il questionne les pèlerins venus se recueillir :
“Qui donc repose en cet endroit loin de tout,
sur les mélancoliques hauteurs du Panshir ?
Pour quel souverain ces larmes sur vos joues ?”.
“C’est un enfant né en ce pays de secrets et de magie,
que la folie et le fanatisme de certains ont désenchanté.
Répondent les nombreux moudjaïdins, venus prier ici.
Nul souverain, juste un homme épris de justice et de liberté”.
“Ainsi, après tant de génocides, de guerres sans fin,
ceux qui ont combattu la tyrannie sont morts en vain !
S’écrit le temps qui enserre avec rage le siècle nouveau-né.
Il me faut effacer cette humanité grandie sur des charniers !”.
“Ô ! Temps victorieux de nos corps d’os et de chair,
laisse à nos enfants les jours à venir pour le bien du monde,
laisse les goûter au ciel bleu, à la caresse tiède de la terre,
d’où rejaillira bientôt du blé en gerbes lourdes et blondes.
Celui qui repose ici a montré le chemin qui libère,
même si son âme a rejoint notre Dieu tant aimé.
Pour ceux, épris d’humanité, en ce monde nos frères,
nous devons réaliser son rêve d’éternelle fraternité”.
Voilà ce que répondirent les pèlerins devant le mausolée,
citant le nom d’Ahmed Shah Massoud, synonyme de liberté.
Alors, le temps appela le vent et lui dit de le répandre sur la terre,
afin que ce siècle sanglant retrouve un peu de lumière,
A la mémoire d’Ahmed Shah Massoud
Jean-Claude Di Ruocco