ART SUD – Numéro 59
4eme Trimestre 2007
Porporina la sicilienne et le Crétois Jehova, travaillent tous deux au Centre Biologique de Harvard dans le Massachusetts. Lorsque la belle Iside arrive à son tour dans l’honorable établissement, elle a en sa possession un crâne, celui d’un italien tué en 1943 dans l’oasis de Jaghub en Égypte. La passion qu’elle éprouve pour cette relique est si violente qu’elle parvient à convaincre les scientifiques à tenter l’impossible… cloner une créature à partir du crâne.
Les jeunes héros de ce livre évoluent dans un univers entre réalité et imaginaire, car comme il en a l’habitude, Giuseppe Bonaviri a bâti autour d’eux, avec la fantaisie de son incroyable créativité, un monde qui effleure celui où nous autres, pauvres lecteurs, somme enchaînés. Les décors, les parfums, les sentiments qu’éprouvent ses personnages, qui sont parés d’une sensualité exacerbée, s’unissent pour délivrer un flot ininterrompu de trouvailles riches en couleurs et surtout d’une fabuleuse poésie.
Les descriptions, parfois dignes des oeuvres des grands maîtres surréalistes, deviennent ici les métaphores romantiques et baroques d’un monde parfait où la science et la nature réconciliées s’unissent dans une harmonie qui ressemble à la paix. Voilà ce qui d’entrée permet au lecteur de se frayer un chemin au coeur du carrousel ondoyant de cet ouvrage riche en émotions. Mais attention ! L’auteur ne se contente pas de nous projeter dans les sphères aériennes de ce voyage fantastique ; il nous rappelle que le monde réel est là, tout près, par le biais d’un attentat perpétré à Londres qui brise un instant la bulle protectrice où ses personnages évoluent.
Ce roman imprégné de philosophie et de poésie panthéiste (comme Spinoza, Giuseppe Bonaviri semble penser que le panthéisme est la seule façon logique de considérer Dieu et l’univers) porte en lui un sentiment de douloureuse nostalgie pour la divine forêt… et pose une question : Qu’est-ce qui est le plus important pour le progrès humain… Les découvertes et les réalisations scientifiques (ici biologiques) ou le tourbillon de souffrance des gens ordinaires qui restera toujours l’étalon sur lequel l’homme mesurera sa toute impuissance ?
Jean-Claude Di Ruocco
Traduit (avec maestria) de l’italien par René De Ceccatty
186 pages – Seuil – 18 euros