ART SUD – Numéro 59
4eme Trimestre 2007
Santiago Gamboa nous parle d’un exil (le syndrome d’Ulysse et le nom donné au stress, voire la dépression dont souffrent les émigrants). Exil donc, car que l’on soit chassé de son pays par des dictatures, des guerres, la misère… l’exil est la même souffrance parée ou non d’autorisation de séjour.
Nous suivons Esteban, un Colombien qui, entre autres, donne des cours d’espagnol, fait la plonge dans un restaurant et écrit un roman avec l’espoir qu’il soit un jour publié. Les petits boulots, les combines pour manger ou prendre une douche, la faim, le froid, sont pour lui autant d’épreuves qui peu à peu minent son moral.
L’auteur nous apprend que les exilés vivent la plupart du temps entre eux. Lorsque Esteban rencontre un jeune marocaine, une prostituée africaine ou bulgare, un écrivain arabe, un collègue de travail chinois… Ces derniers disposent d’un chapitre pour prendre la parole et nous conter leur propre expérience. La France apparaît ici en filigrane, comme la toile de fond à peine perceptible sur laquelle Santiago Gamboa dessine sa fresque éclectique de personnages qui frôlent la caricature sans jamais toutefois y tomber complètement. Il nous révèle aussi un aspect nouveau de l’effet de l’exil sur ces personnages en souffrance : l’exil exacerbe la libido. Cela semble une constante pour son héros transformé en étalon tout au long de passages qui vont de l’érotisme au porno-trash (vous n’ignorerez plus rien du fisting ou de l’urologie anale) et que l’on retrouve régulièrement tout au long du livre en de longues descriptions de partouzes et d’accouplements en tous genres qui « prennent la tête » au lecteur mais transforme peu à peu Esteban en un Casanova « méchamment burné » comme dirait l’autre.
Bien sûr, si l’on excepte les dispensables séances de jambes en l’air, le romancier traite le sujet (l’exil pas la libido) avec une infinie justesse et nous balade entre misère et humour à la rencontre de personnages attachants et riches d’histoires toutes plus intéressantes les unes que les autres… Mais bon, pour conclure, autant laisser la parole à l’auteur qui écrit à la page 182 : « Personne n’est obligé de s’intéresser à un livre aussi bon soit-il, aussi édifiant et véritable soit-il. »
C’est lui qui l’a dit !
Jean-Claude Di Ruocco
Traduit de l’Espagnol (Colombie) par Claude Bleton
360 pages – Métailé – 21 euros