ART SUD – Numéro 60
1er Trimestre 2008
Con de Manon ! Il y en a qui ont de la chance ! Prenez, par exemple, ce bon Constantin, le héros de Gilles Del Pappas, qui s’embarque pour la Grèce, comme d’autres avant lui pour Cythère, laissant les réminiscences d’histoires douloureuses en cale sèche du côté de la Marsiale, mais gardant l’essentiel de maintes souffrances au tréfond de son âme.
Meurtri dans sa chair et offert au hasard de la fuite, il découvre un havre de paix entre Grèce et Crète sur une île où le temps semble s’être non pas arrêté, mais simplement assoupi, histoire de goûter encore un peu à la plénitude d’une enclave préservée de la frénésie high-tech où nous pataugeons joyeusement. Bien sûr, Constantin emporte avec lui la présence charnelle de la citée qui l’a vue naître, Marseille. Rien d’étonnant donc qu’au travers des descriptions des villes traversées, des paysages, des personnages hauts en couleur et si attachants pour certains, tout, absolument tout, transpire l’amour de l’auteur pour les peuples de Méditerranée. Il souffle sur ces pages le véritable chant du Sud, celui, à nul autre pareil, qui rend heureux et attendrit les âmes les plus endurcies. Constantin, le citadin, retrouve la nature ! Il se l’empègue et se la garde ! Il est comme un poisson dans l’eau entre le ciel et la mer, avec ses nouveaux amis, un médecin, un flic, un instituteur avec qui s’instaure un rituel tout entier dédié à la convivialité. Bonne cuisine, bons vins, beaux échanges de confidences qui tournent autour des femmes que chacun d’entre eux a connues, aimées, abandonnées ou de mégères qui leur ont cassé les alibofis.
Gilles Del Pappas nous proposent un éventail de portraits de galines singulières, mais surtout d’histoires véritablement incroyables, tant chacune d’elles pourrait être le sujet d’un bouquin. Attention, que les Fadas de polar se rassurent, il y a bien une intrigue qui tisse patiemment sa toile sanglante derrière des moments de pure joie contemplative, avec de l’érotisme, une famille empoisonnée, un berger au crâne fracassé, un homme cloué sur une porte et… Une sirène ! (mais non je ne suis pas un jobastre ! ), bref de quoi faire marronner les auteurs de blanche. Quand je vous disais qu’il y en a qui ont de la chance… Avant tout ceux qui vont lire ce livre.
Jean-Claude Di Ruocco
475 pages – Transbordeurs – 18 euros