ART SUD – Numéro 62
3eme Trimestre 2008
CHRONIQUE NON PARUE – FIN DE LA REVUE
“Pour moi, peindre, c’est créer sur le tableau un espace qui va bouleverser l’espace auquel j’appartiens”. Dès l’introduction à ce magnifique ouvrage qui lui est consacré, Patrice Giorda, donne la clé qui va permettre au lecteur d’effleurer tous les non-dits derrières les ombres, toutes les révoltes que porte une gestuelle que l’on devine parfois violente et fébrile. L‘urgence du sentiment semble prendre soudain le pas sur le souci de l’esthétique et il appartient au passant solitaire, qui parfois arpente les galeries d’art, d’aller chercher ces éclats de lumières qui pulsent au sein d’œuvres, où Giorda offre en holocauste toute la démesure d’un talent unique et pourtant multiple. Multiples dans son expression et dans ses techniques, même si les instruments qui servent à l’exécuter ressemblent plus à des armes qu’à de simples outils.
Gérard Mordillat et Denis Lafay parlent de l’œuvre et du peintre avec enthousiasme et affection et les textes de l’artiste, qui introduisent chaque étape du voyage auquel nous sommes convié, sont autant d’éléments précieux qui enrichissent cette première monographie rétrospective du peintre lyonnais. Pour qui est plus habitué à la littérature qu’à la peinture, les interprétations peuvent être légion et pourtant… pourtant, il est si facile de lire dans la mouvance enténébrée de ces lucarnes ouverte sur la face secrète d’un quotidien que plus personne ne décrypte. Les paysages champêtres sont traversés de grands biseaux de lumière, pour rendre l’ombre plus mystérieuse et les maisons, au loin, lumineuses, comme des refuges où réchauffer nos silences. Les corps semblent sans cesse en souffrance ou en extase, lorsqu’ils s’affrontent dans le combat immobile auquel Giorda les a abandonnés. Et les visages… ces visages qui portent tout le poids des rêves brisés, de l’inéluctable ressac d’une enfance trahie, dont l’artiste esquisse l’écumeuse violence qui charrie des copeaux de lumière, semblables à d’improbables issues de secours. Il y a une incandescence qui pulse au cœur de chaque toile et les références sont multiples, mais à quoi bon énumérer des noms prestigieux…
Giorda est unique, car son œuvre porte en elle toute la force et l’humanité d’une belle âme à jamais en quête de vérité.
Jean-Claude Di Ruocco
224 pages – 180 reprodutions – RH Editions – 45 euros