ART SUD – Numéro 54
3ème Trimestre 2006
Manuel Desdin, jeune physicien Cubain, effectue ses études à Kharkov en Ukraine. Il trouve un algorithme important et les savants soviétiques lui promettent une belle carrière. Ses prises de positions favorables à la perestroïka, dont Fidel Castro a peur, attirent l’attention sur lui. Il est rapelé à Cuba après une dénonciation. Manuel sait que cela signifie la fin de ses études. Il décide de passer à l’Ouest et va fuir à plusieurs reprises. Que se soit vers la Finlande où des soldats russes le capturent, en Suisse d’où il sera reconduit jusqu’à Kharkov, en Pologne, en Suède, toutes ses tentatives aboutiront à une impasse, à l’image du destin d’une Union Soviétique qui sombre dans la déliquescence.
Ce roman a été publié juste avant la mort de Jesùs Diaz, l’une des figures majeures de la littérature cubaine. Comme dans les deux ouvrages qui le précèdent, il parle de l’exil, d’un monde où de plus en plus d’hommes, pour diverses raisons, sont des apatrides en quête d’un bonheur qui ici se perd dans des paysages et des villes glacées, se heurtent à des personnages écrasés eux-même sous le poids de leurs certitudes et de leur solitude. Car c’est bien de solitude dont il s’agit ici. Celle, qui, en chacun de nous, bâtit à notre insu un voile d’incompréhension et nous contraint à jouer un rôle afin de rendre supportables nos existences grises. Le jeune physicien, héros si attachant de ce livre, renaîtra à l’espérance de surprise en surprise, d’aventures en souffrances, d’espoirs en désillusions, d’amours en trahisons, au travers d’un exil devenu parcours initiatique, un algorithme du bonheur en quelque sorte.
Un chant du cygne digne de Manuel Diaz, de son talent qui, au travers d’un héros magnifique de sincérité, dénonce une dernière fois les incohérences dramatiques de ce que les hommes appellent l’histoire et qui n’est rien de plus qu’une farce tragique qui à jamais nous renvoie à d’utopiques rêves, seule issue pour échapper aux absurdités qui gouvernent une humanité en souffrance. Jesùs Diaz portait en lui ce rêve de fraternité, il nous le laisse en héritage au travers de ce voyage désespéré vers une liberté chaque jour un plus dur à atteindre.
Jean-Claude Di Ruocco
Traduit de l’Espagnol (Cuba) par François Maspero.
282 pages – Gallimard – 18,90 euros