ART SUD – Numéro 51
4ème Trimestre 2005
Que l’on soit d’Arles, de Marseille, de St Tropez, de Manosque… Chacun de nous possède sa Provence propre, et qui, mieux que Pierre Magnan, peut nous parler de celle des Alpes de Hautes Provence, tant son œuvre littéraire est ancrée dans le tissus même de cette région austère et pourtant si riche d’un patrimoine plus populaire qu’historique. C’est d’un pays peuplé de personnages hauts en couleurs, de paysages grandiloquents et mystérieux, de villages où traînent encore les relents d’anciennes histoires d’amour et de mort, dont il s’agit ici, sans oublier les traditions ancestrales, avec leurs rituels et leurs mots qui ressuscitent sur la trame nostalgique de ce beau récit. La Provence de Magnan c’est celle de Giono, celle de “Regain”, celle du “Grand Troupeau” où du “Moulin de Pologne”, des fermes autrefois prospères qui aujourd’hui versent des larmes de pierres et vomissent des flots de ronces par leurs fenêtres béantes.
Au premier abord on pourrait penser que l’auteur délaisse son “théâtre d’ombres” habituel pour se faire le guide passionné d’un pays magnifique. Il n’en est rien. Ce livre se lit comme un complément aux deux tomes de sa merveilleuse autobiographie. Il nous éclaire sur les lieux et décors de ses romans et c’est, bien sûr, ce que beaucoup attendaient. On ne se lasse pas de ce conteur magique, digne héritier du père du Hussard. C’est au travers de l’histoire de sa famille qu’il nous parle d’un monde révolu, romantique, parfois tragique, dont il fait perdurer les souvenirs émouvant sans la révélation desquels, le profane ne pourrait comprendre la dimension poétique d’une région à nulle autre pareille.
Pierre Magnan est de ces auteurs rares, indispensables, qui, loin de tout battage médiatique, sont les véritables gardiens de la mémoire et dont le talent fait le bonheur de celui qui ouvre un de ses livres.
Jean-Claude Di Ruocco
195 pages – Denoël – 17 euros