ART SUD – Numéro 51
4ème Trimestre 2005
Parler de ce livre c’est d’abord évoquer la polémique qu’il fait naître par son ton volontiers carnassier, loin des compromissions auxquelles nous ont habitué les très officiels “rebelles” accrédité par les médias. Dire que le politiquement correct n’a pas sa place ici, n’est donc qu’un doux euphémisme. Les deux amis se sont retrouvés au cœur d’un huis clos, comme des combattants qui attendent la multitude adverse et qui, sachant leur cause désespérée, préfèrent mourir les armes à la main. Car c’est bien là tout l’intérêt de ce livre, une véritable attaque en règle non seulement contre la cynique idéologie Anglo-saxonne, mais aussi une virulente critique à l’encontre de la soumission des Européens face au diktat des locataires de la Maison Blanche.
Salvatore Lombardo et Rudy Ricciotti poussent à l’extrême les moyens qu’il faudrait utiliser contre ces pitoyables cerbères, qu’ils soient de France où d’ailleurs, gardiens d’une démocratie à sens unique, qui préparent en catimini un avenir aux relents nauséabonds. Les auteurs nous proposent une arme “d’éducation massive” : la culture ! Seul moyen pour lutter contre tous les extrémismes ; la culture, celle que les gouvernements successifs se sont employés à dénaturer, sacrifiant volontairement l’éducation de nos enfants en transformant l’école en une machine à uniformiser les esprits, afin de les faire rentrer dans le moule du matérialisme et de la soumission ; la culture trahie par quelques uns de ses acteurs, artistes adoubés par “l’establishment”, poseurs bobo où rebelles apprivoisés qui ramassent les miettes du festin électoral et se vautrent dans leur suffisance. L’architecte Sudiste Rudy Ricciotti et le journaliste et écrivain Salvatore Lombardo nous parlent d’un monde où la Méditerranée, berceau naturel d‘une fraternité en devenir, doit être le fer de lance d’une résistance face à l’empire, celui des pseudo-arbitres du bon goût démocratique de Paris-sur-Seine ou des fauteurs de guerre de Londres et de Washington. Même s’il on peut regretter son côté jusqu’au “boutiste”, ou des remarques trops triviales parfois, presques adolecentes, il traîne sur ce livre des relents de désespérance, un je-ne-sais-quoi de désenchanté. Les auteurs sont issus d’une génération à laquelle l’histoire avait donné les clefs pour bâtir un monde en paix. Leurs jeunesses ont été rythmées par le chant lancinant des luttes, que ce soit celle de Martin Luther King, de Nelson Mandela, du Che, héros romantique d’une révolution éternelle… sans parler de ce beau mois de mai 68, dont les intellos cathodiques voudraient nous faire croire qu’il fut salvateur, alors que bien des artisans de ce mouvement, aujourd’hui font du gras, gorgés de privilèges, ceux-là même qu’ils dénonçaient aux heures brulantes des pavés.
Salvatore Lombardo et Rudy Ricciotti sont du côté du Général Aoun, et pleurent leurs amis Ahmed Shah Massoud, car ils savent bien que le rêve d’hier s’est métamorphosé en cauchemar. Rien n’est perdu cependant, mais pour changer le monde, des chansons ne seront pas suffisantes, pas même des fleurs comme en 74 au Portugal. Il faudra prendre les armes, que ce soit la Kalachnikov ou le poignard Afghan, que ce soit dans des livres comme celui-ci où sur les champs de bataille que nous réservent les tenants de l’enfer du profit maximum.
Ce livre est un peu “dingue” certes, mais pas plus dingue que les schémas absurdes et destructeurs sur lesquels nous bâtissons ce monde, que les générations se repassent depuis des lustres, chacune y rajoutant une couche un peu plus épaisse d’obscurantisme.
Jean-Claude Di Ruocco
145 pages – Transbordeurs – 15 euros