ART SUD – Numéro 51
4ème Trimestre 2005
C’est en apprenant l’existence d’un anthropologue, Buell Quain, qui s’est suicidé en 1939 alors qu’il effectuait un séjour d’étude chez les Indiens Kraho en Amazonie, que Bernardo Carvalho a eu l’idée de ce roman. L’auteur nous délivre un livre d’une très grande qualité que ce soit par son style limpide ou la structure du récit qui mêle à sa propre expérience, souvenirs, témoignage, faits et personnes réels, sans oublier bien sûr son talent d’invention. Il nous entraîne au cœur d’un pays, le Brésil, et d’une région, l’Amazonie, particulièrement propice au développement d’une histoire aussi mystérieuse qu’originale. C’est là, que nous suivons le narrateur, sur les traces de Buell Quain. Ce qui le frappe en premier lieu c’est la diversité des témoignages, les contradictions entre les versions officielles et les récits des personnes ayant côtoyé effectivement l’anthropologue et surtout la confusion entre les dates et la synchronicité des événements. Lorsqu’une piste s’ouvre, elle se referme immédiatement car la véracité d’une information est aussitôt infirmée par de nouveaux témoignages. Buell Quain aurait-il contracté une maladie qui l’aurait poussée au suicide? Le fait que sa femme l’ait trompé avec son frère aurait-il provoqué son geste ? Avait-il réellement une femme, car nul ne peut l’affirmer ? Était-il rentré dans un état dépressif au contact des indigènes auprès desquels il s’est soudain retrouvé confronté à ses propres limites ? A-t-il était assassiné par les indiens ou pour des raisons plus “politiques” ? Autant de questions sans réponse pour l’auteur qui, soixante ans plus tard, devra patiemment démêler ce véritable écheveau, pour retrouver enfin le fil ténu qui le conduira vers un dénouement inattendu.
Ce beau roman nous parle aussi, avec émotions, de ces tribus amazoniennes, de leurs coutumes si particulières et de la disparition inéluctable de toutes ces cultures (car chacune d’elle a sa propre culture) qui au contact de la civilisation sont peu à peu effacées d’un patrimoine dont aurait bien besoin une humanité qui tend à l’uniformité.
Jean-Claude Di Ruocco
Traduit du Portugais par Geneviève Leibrich
186 pages – Maitailié – 17 euros