ART SUD – Numéro 50
3ème Trimestre 2005
Chaque année Maria rejoint les sommets de la Sierra Madre au cœur du Mexique pauvre et rural, à la rencontre de ses semblables, les Indiens Otomis, paysans pour la plupart qui vivent en autarcie dans les villages qu’elle traverse. Sur la place de chacun d’eux, la conteuse s’installe et devient le lien indispensable qui relie son peuple au monde de la vallée. Les histoires dont elle est la dépositaire sont de véritable antidote contre la solitude et la misère. À chaque voyage, elle retrouve Manuelo, l’enfant estropié, qui ne parle qu’avec ses mains et ses yeux. La vieille femme a su l’apprivoiser et devenir pour lui une source dispensatrice de conseil et de rude tendresse. Un jour, alors qu’il est devenu un homme, elle l’emmène avec elle. Dès lors Maria n’aura de cesse que de le convaincre de sortir de son mutisme afin de lui transmettre ses récits. Elle trouve à son contact, la force d’affronter enfin ses propres démons, le douloureux secret qu’elle porte en elle, la seule histoire qu’elle n’a jamais racontée.
Evelyne Jouval nous transporte dans un univers où la pauvreté est la toile de fond sur laquelle s’exacerbe toute la beauté des sentiments qui motive des personnages plus complexes qu’il n’y parait de prime abord. Elle délivre un récit lent et amer, traversé de moment d’embellie mais aussi de passage plus terre-à-terre, qui perturbent la belle ordonnance poétique d’une histoire douce et émouvante en lui donnant un aspect réaliste et cru. À découvrir comme un long voyage triste qui préfigure des lendemains d’espérance et d’amour.
Jean-Claude Di Ruocco
155 pages – Transbordeurs – 16 euros