ART SUD – Numéro 49
2ème Trimestre 2005
D’abord, il faut décrypter un long prologue, d’une densité presque décourageante, où l’auteur défouraille sur tous ce qui bouge, fournissant questions et réponses, maniant ironie acerbe et assénant des vérités prêtes à l’emploi (en vente dans tous les bons magasines people), mais où l’on apprend tout de même qu’un mystérieux personnage lui passe commande d’un rapport sur “le jour du Watusi”. Ensuite, on peut enfin (ouf !) “attaquer” le livre et découvrir qu’en 1971, Julia, fille d’un chef de gang, est retrouvée la tête fracassée à Monjuïc un bidonville de Barcelone. Les soupçons se portent vite sur le Watusi, sorte de voyou rebelle, donc forcément romantique, loup solitaire (au nom tout droit sortit d’un manga même si en fait ça n’a aucun rapport) qui attire autour de sa personne aussi bien l’admiration que le ressentiment. La famille de la victime le recherche, désireuse de venger cette dernière et surtout d’affirmer un peu plus leur suprématie sur le quartier. Deux adolescents, convaincus de l’innocence du Watusi et bien décidés à le sauver, se lance à sa recherche. Leur quête les conduira en ville, dans un monde réel et parfois bien plus cruel qu’ils n’auraient pu l’imaginer…
Ce scénario permet à l’auteur de nous transporter dans un univers (qui n’est pas sans rappeler celui du roman de David Goodis “Epaves”) où le sordide côtoie la poésie, où le drame attend son heure derrière l’humour de situations pour le moins burlesques. Les personnages sont ceux qui gravitent habituellement aux cœurs de mondes glauques, caricatures sans surprises de marginaux que la vie a oubliées mais qui n’en sont pas moins ici dépeints avec beaucoup d’humour, ce qui sauve le récit chargé de longueurs, d’explications ”psycho je ne sais quoi”… De plus, le gimmick de s’adresser au lecteur régulièrement (ici le lecteur aura compris… etc.) ne fait qu’accentuer le ton dictatique d’un narrateur en constante représentation.
Un voyage initiatique aux relents barbares mais dont le déroulement reste prévisible… pouvait-il en être autrement ?
“Les jeux Féroces” est le premier volet d’une trilogie
Jean-Claude Di Ruocco
Traduit de l’Espagnol par Claude Bleton
280 pages – Actes Sud – 19,80 euros