ART SUD – Numéro 48
1er Trimestre 2005
Dans une maison de Toscane, en pleine campagne, Tristano meurt en même temps que le siècle. Ce nom n’est pas vraiment le sien, il l’a adopté durant la guerre où il a lutté héroïquement contre les nazis. À son chevet, un homme qui autrefois a écrit un livre sur lui, l’écoute raconter sa vie et notamment rectifier les erreurs ou omissions que son ouvrage comporte. Les jours se succèdent dans la lourdeur d’un mois d’août où la chaleur enserre de son souffle brûlant les protagonistes de ce huis clos, que vient parfois interrompre Frau, la compagne de Tristano qui le soigne et lui lit des poèmes tous les dimanches. Entre sommeil, crises d’euphorie ou mélancoliques évocations, le mourant délivre un interminable monologue où se mêlent instants de lucidité, analyses de faits politiques ou historiques (le démontage des marbres du Parthénon par les anglais entre autres), discours professoral (sur les céphalées notamment) et délire absolue. Il faut dire que Frau lui administre de fortes doses de morphine pour lutter contre la douleur qui habite son corps rongé par la gangrène, ce qui évidemment n’arrange pas les choses. L’écrivain, ravalé au rang de faire valoir, n’est plus qu’un des composants de l’incroyable capharnaüm où gravite le récit de Tristano : contradictions, redites, mensonges, doutes, regrets… L’inventaire hétéroclite d’une vie riche en péripéties de toutes sortes, dont on a du mal à suivre le fil tant le one-man show, si je puis dire, du narrateur semble déstructuré (ce qui, rendons justice à l’auteur, est réaliste vu le triste état du vieil homme). Antonio Tabucchi est un écrivain reconnu et professeur à l’Université de Sienne, son talent ne saurait être mis en doute ne serait-ce qu’un instant, mais je dois dire que je suis sorti de son livre abasourdi et soulagé… Tristano meurt… Tritano est mort… promis.
Jean-Claude Di Ruocco
Traduit de l’Italien par Bernard Comment
204 pages – Gallimard – 16,90 euros