Aller au contenu

LA NUIT DES CALLIGRAPHES – Yasmine Ghata

ART SUD – Numéro 48
1er Trimestre 2005

Rikkat Kunt, adolescente en 1923, choisie de devenir calligraphe, la même année Atatürk essaie d’abolir la langue et l’écriture arabe afin de faire rentrer la Turquie dans la laïcité. Alors que la plupart des jeunes fuient ce métier, elle s’y consacre de toute sa foi, côtoyant les plus grands maîtres de son temps. “Ces vieillards érudits habités par la parole de Dieu” sont déconcertés par l’assiduité de cette assistante dont ils pressentent le talent immense. Ainsi d’apprenti, elle finira professeure reconnue et admirée. Cependant sa vie privée est semblable à une litanie de soumissions (à ses deux maris entre autre) et de renoncements. Rikkat, qui est prête à renverser des montagnes afin d’exercer son art, est d’une passivité déconcertante face, par exemple, à son deuxième époux qui la tyrannise et lui enlève son fils. Elle ne sera heureuse que dans l’intimité de son atelier en compagnie du fantôme de son maître, Selim, qui, à sa mort, lui a légué son matériel, ses encres et son Coran, véritable adoubement qui a fait d’elle une Calligraphe à part entière. Bien plus que la vie de Rikkat Kunt, c’est l’évocation, au travers de son parcours, de cet art ancestral qu’est la calligraphie qui fait tout l’intérêt de ce livre. Yasmine Ghata nous dévoile les arcanes d’un art exigeant, un véritable sacerdoce pour les artistes qui le pratiquent. Le calligraphe est dépositaire d’un savoir faire séculaire : préparation des encres, fabrication des outils, traitement des supports, rituels immuables qui ne se transmettent que de maîtres à élèves. Serviteur d’Allah et des sultans, c’est lui qui recopie les sourates, les enlumine afin d’exacerber toute la beauté des textes sacrés, c’est pourquoi sont rôle est primordial dans la culture musulmane. Un livre en forme d’initiation, un récit posthume, inspiré par la vie de la grand-mère de l’auteur, qui nous laisse de nostalgiques images d’une Turquie en pleine mutation.

Jean-Claude Di Ruocco

Traduit de l’Italien par Bernard Comment
180 pages – Fayard – 15 euros

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *