ART SUD – Numéro 48
1er Trimestre 2005
Abdelkader Djemaï nous convie à suivre les traces d’un homme qui, sans nouvelles de son fils, décide de partir à sa rencontre. Pour ce faire, il prend l’autocar et le trajet se transforme en une longue pose où il peut à loisir dénouer l’écheveau de ses souvenirs. Il crée un parallèle avec le premier voyage qu’il fit avec son père en Algérie, alors livrée à la guerre, l’humiliation et la pauvreté. De son village natal, à son adolescence si dure, de son mariage avec une cousine (choisie par sa mère) à l’incompréhension qui s’est peu à peu dressée, comme un mur infranchissable, entre son enfant et lui, c’est une introspection clairvoyante et pudique à laquelle nous invite l’auteur. Il met à nu devant le lecteur toute la grandeur de cet être, qui malgré des années de luttes contre la pauvreté, l’exil en France où son illettrisme le voue à un travail mal rémunérer, le poids de traditions devenues obsolètes (notamment pour son fils) essaie de comprendre les raisons qui l’ont conduit à une pareille situation. Un roman incisif, même s’il commence par vous bercer de descriptions savoureuses, d’anecdotes émouvantes ou drôles, qui fait que ce père désemparé devient soudain votre ami (surtout lorsque l’on est père soi-même), qui vous rassure aussi avant de vous asséner sans prévenir le bouleversant dénouement de ce voyage, car le destin n’a que faire de nos rêves… même les plus humbles.
Jean-Claude Di Ruocco
Traduit de l’Italien par Bernard Comment
79 pages – Seuil – 10 euros