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COMME UN BOOMERANG

2013 – LE RETOUR DE L’ELEPHANT – Abdelaziz Belkhodja
TRANSBORDEURS – ARTICLE POUR LA MARSEILLAISE
10 Novembre 2005

Certains se sont résignés à regarder définitivement devant eux et ont occulté tout le poids des erreurs qui mènent notre humanité vers des lendemains de violence, d’extrémismes idéologiques entre autres maux, parce qu’ils pensent que le point de non-retour est atteint, que le mur qui attend nos fronts est trop épais de siècles d’affrontement par trop horribles, pour en franchir l’arête acérée afin de bâtir des lendemains de bonheur.
Certains vocifèrent, ressuscitent le spectre hideux des bourreaux qui menèrent les juifs, les Kurdes, les Indiens, les Arméniens, les Tibétains, les Irakiens, les Rwandais et tant d’autres peuples en souffrance, aux tombeaux des martyres où des enfants de toutes les couleurs dorment à jamais dans le grand lit sanglant de la folie humaine.
Certains font de la politique et tricotent des solutions plus spectaculaires les unes que les autres, baudruches rayonnantes, comme autant de leurres offerts aux peuples malmenés par des décennies de guerres plus ou moins froides.
Certains, profondément humains, tendent la main et pleurent avec les mères du monde entier sur tous ceux, au bord du chemin, celui de la paix et donc de la liberté, qui nourrissent la terre que nous devions fleurir, mais qui n’est que désert ou le deviendra dans un proche avenir.
Il y a de tant de façons de voir la souffrance, que nous avons déposé comme une chape sur notre planète, qu’on ne peut toutes les citer…
Par contre nous pouvons parler des artistes, de ceux, vraiment originaux, qui préfèrent nous renvoyer l’image de ce que nous sommes en inversant les rôles sans complaisance pour personne. Abdelaziz Belkhodja est de ceux-là. Il a fait un rêve, comme tant d’autres avant lui dont les noms font fleurir l’espoir et la saine révolte en faveur de causes plus nobles et plus saines encore. Il a fait un rêve, l’a couché sur le papier en un roman de science fiction, ou plutôt de politique fiction, ou encore, qui sait, d’espoir fiction. C’est vrai que le mot « fiction » fait un peu mal, car de prime abord on comprend que d’espoir justement, il vaut mieux ne pas en parler. Pourtant quel songe étrange et beau coule de ses doigts en une source pétillante et volubile qui apaise les peurs.
Abdelaziz Belkhodja a bâti son livre sur un constat : Les Arabes auront eu entre leurs mains, au travers du pétrole, la plus grande fortune de l’histoire et l’auront dilapidé. Sans plus épiloguer sur le sujet, il prend le contre-pied de cette réalité et nous entraîne dans une humanité où les cartes ont été redistribuées. Un monde, où après la douzième guerre du Golfe, les Républiques Arabes Unis et la République de Carthage devenue la première puissance mondiale, doivent faire face à un occident en pleine déconfiture et à une Amérique fanatique et dictatorial, berceau du terrorisme international, qui subit un embargo car elle refuse d’éliminer ses armes de destruction massive. Un monde où les beot-peoples sont Français, Italiens ou Espagnols. Un monde où des milliers d’Européens, illettrés pour la plupart, migrent vers l’Afrique du Nord afin de fuir la misère, la faim, le chômage. Un monde où, par exemple, le Tchad apporte une aide économique à la Scandinavie, où la famine ravage la Suisse, où l’Angleterre, en pleine déconfiture, demande son adhésion au Conseil Carthaginois. Un monde où un terroriste intégriste Allemand, Nadel, a provoqué une crise mondiale en détruisant tous les barrages du Tigre et de l’Euphrate. Un monde en définitive bâtit sur le même modèle que celui que nous partageons ; là ça coince un peu pour le rêveur qui cherche une porte vers un hypothétique Éden ; un peu comme pour le héros de ce livre, un étudiant Américain venu faire ses études en Afrique du Nord, dont les motivations sont à découvrir en lisant cette histoire.
Abdelaziz Belkhodja nous offre ici un roman savoureux, d’un humour irrésistible, d’une gravité indéniable qui nous renvoie sans concession à nos peurs et à notre indifférence coupable face aux maux dont souffrent nos frères humains aux quatre coins de cette planète. Il nous parle aussi du chômage, de l’emploi, de l’éducation, d’environnement… Et nous propose ses solutions.
L’auteur  à fait un rêve, entre Atlantide et Carthage, devenu ici symboles ultimes d’une quête effrénée de paix et de rédemption pour une humanité en souffrance. Derrière ces mots qui coulent de ses doigts, une poésie tendre et grave nous berce, comme une mère son enfant afin de lui faire oublier les bombes, dehors, qui effacent tout espoir.
En définitive, les puissants sont déchus, déchus de l’orgueil qui les aveuglait, ce qui n’est pas plus mal c’est vrai. Ils portent des haillons, connaissent la peur, le froid, la faim et rêvent d’un monde meilleur. Les miséreux à l’inverse découvrent l’opulence et la sécurité et se mettent à regarder de haut ceux qui hier les méprisaient.
Que l’on soit nanti ou dépourvu, Français, Pakistanais, Américain, Ivoirien… Notre peur, notre indifférence, nos haines, notre morgue, reviendront toujours nous frapper en retour comme un boomerang, même dans ce livre où les rôles inversés ne serviront à rien, car bien que Carthage renaisse à son glorieux passé, ce n’est qu’une belle, très belle histoire. Cependant et c’est l’essentiel, Abdelaziz Belkhodja  à réussit le temps d’un livre à nous rendre heureux.

Jean-Claude Di Ruocco

165 pages – Transbordeurs – 13  euros

 

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