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NOTRE ESSENTIELLE NOURRITURE

CENT FEMMES – Gerard Nolane
TRANSBORDEURS – ARTICLE POUR LA MARSEILLAISE
23 Mars 2006

Les femmes… Vaste sujet dont on a pas fini de faire le tour et dont on se demande parfois, en voyant le nombre de livres qui lui ont été consacrés, s’il vaut mieux ne pas arrêter d’en parler pour en préserver tout le mystère. Les femmes, évidemment, sujet vieux comme le monde, vous savez le serpent, la pomme… La première scène de ménage qui a donné le ton à des siècles de discorde.
Les femmes donc et au fond pourquoi pas ? À supposer que comme beaucoup, vous (lecteurs) n’arrivez pas vraiment à trouver le mode d’emploi qui vous permettrait de cohabiter avec nos sœurs humaines sans que pour cela la vie ne devienne une divine comédie où un combat de chaque instant (au choix). Ce livre peut sans doute vous servir à confronter votre propre expérience à celle de Gérard Nolan. Bien sûr le mimétisme de certaines situations que vous aurez vécu, comme l’auteur, vous confortera dans la certitude que, de toute façon, on ne peut rien y faire, elles sont quoi qu’on en dise notre essentielle nourriture. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’elles sont l’avenir de l’homme, quoi que… Ni ne vous citerais, comme il est de bon ton de le faire pour ce genre de sujet, l’inénarrable Sacha Guitry, qui, sous prétexte qu’il les aimait, déblatérait d’atterrantes maximes à leur sujet. Par contre, je ne peux m’empêcher de vous parler de James Gun, auteur de science fiction des années cinquante qui, dans une de ses nouvelles, “Le Misogyne”, nous expliquait de la façon la plus hilarante et la plus talentueuse qui soit, que les femmes sont en fait une race extra-terrestre venue nous conquérir depuis l’aube des temps et que le combat n’est pas près de finir. Dans “Cent femmes” certaines le sont un peu, (Extra-terrestres) mais pas plus que ne le sont la plupart des hommes… Tout ça pour vous dire que chacun de nous à sa conception des rapports homme-femme et que, lorsque l’on aura fini de vouloir tout analyser (toujours selon ses propres critères) on arrêtera peut-être de passer à côté de l’essentielle : la vie.
Gérard Nolane, lui, a décidé que non, que cela valait le coup de se torturer les neurones à décrypter les us et coutumes de l’objet de nos fantasmes (et là je ne parle pas QUE de sexe). Alors nous lui emboîtons le pas, d’autant plus qu’il a un beau coup de plume et que sa démarche est plus intimiste que nombre d’ouvrages qui prennent vite l’allure de thèses ennuyeuses. Une raison à cela, de quoi parle-t-il  ? Des femmes de sa vie, où plutôt de celles qui ont laissé une empreinte plus ou moins profonde dans ce qu’il appelle sa galerie de “spectres”… C’est dire s’il est à ce point hanté par le sujet.
Des femmes, non pas dans toute leur splendeur, ce serait un raccourci un peu trop facile, mais plutôt dans toute leur complexité (C’est vrais qu’il y en a de gratinées). Qu’elles soit belles où laides, grosses où élancées, mères de famille où veuves, sages ou Mésalines, libérées (j’emploie ce terme générique car il colle souvent à l’image de la femme moderne), passantes inconnues ou amies, chacune est un îlot à découvrir sur la mer uniforme d’un quotidien de contraintes. L’auteur a partagé avec chacune d’elles, sinon leur intimidé, du moins des instants privilégiés où les masques tombent et les fêlures apparaissent. Ça frôle l’ethnologie ou, plus simplement, le rêve ultime d’une quête désespérée de l’âme sœur (le Grall doit être plus facile à trouver). Chacune d’elles est décrite avec talent, car au-delà de l’apparence physique, Gérard Nolane s’est attaché à leur laisser un large champ d’expression où beaucoup de femmes se retrouveront. Bien sûr, il intellectualise parfois un peu trop ses analyses avec des citations de philosophes ou d’écrivains, mais surtout il ne faut pas oublier que le lecteur découvre ces femmes au travers de l’analyse d’un hommes qui les aime trop pour pouvoir garder à leur sujet une objectivité totale. Avec respect et considération, il leur invente des destins, soigne leurs blessures, désire leurs corps, parfois leur amour, dans un jeux de cache-cache émotionnel qui ne verse jamais dans le mélo, comme pour mieux conforter l’impression première qu’il a d’elles, afin de se construire des souvenirs qui viendront alimenter son imaginaire.
“Cent femmes” annonce la quatrième de couverture, évidemment le subtile jeux de mot ne peut échapper à personne et rien n’est plus juste, car au travers de la quête qui l’anime, Gérald Nolane apparaît désespérèrent seul, sans femme en fait, sans celle, Liza, qui compte vraiment et dont, paradoxalement, il ne nous dévoile que par petite bribes touchantes, la présence obsédante qui affleure sur la trame de ce récit auto-biographique.

Jean-Claude Di Ruocco

278 pages – Transbordeurs – 18  euros

 

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