Aller au contenu

LE PETIT MAS – Interview Philippe Bruguière

LA MUSIQUE, L’AMITIÉ ET LE SUD

ART SUD 
2ème Trimestre 2005


Le studio “Le Petit Mas” a vu le jour à Martigues au début des années 80. C’était alors une cabane de jardinier, un lieu attaché à l’histoire d’un groupe “Loreleï”, formé par des lycéens. En 1991, Philippe Beneytout (Fifi) et Philippe Bruguière (Bru), depuis le début instigateurs de l’aventure, créent une société de production et d’édition. Depuis, ces deux passionnés ont fait du Petit Mas un studio référence de la musique régionale, puis nationale. Fifi est un ingénieur du son reconnu et recherché. Il tourne avec “I’am”, la “Fonky Family” entre autres. Bru est un musicien avant tout (trois albums à son actif). Pour ces artisans du son, le matériel de pointe et la technologie doivent être mis au service d’une véritable identité sudiste, celle-là même qui transparaît au travers de leurs productions.

Témoin privilégié et acteur du foisonnement artistique sudiste, Philippe Bruguière nous parle du Petit Mas et des réalités d’un métier-passion, refuge ultime de la liberté pour cet autodidacte.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez Fifi et toi.
Elles tiennent à l’activité du studio proprement dite. On a une énorme concurrence des gens qui travaillent chez eux. Maintenant, avec un PC, tu peux enregistrer un album et faire des succès mondiaux, comme Moby par exemple. Mais le gros problème c’est la concurrence des collectivités locales. Il y a, sur la région, des studios qui ont pignon sur rue. Ces structures commerciales se heurtent à la concurrence du Conseil Régional où de certaines villes qui trouvent normal de mettre des studios à la disposition des gens. C’est bien qu’il y ait des structures dans les quartiers qui puissent accueillir des groupes de jeunes. Ce qui est beaucoup moins normal, c’est qu’il y ait des professionnels qui viennent travailler là-dedans. C’est pourtant ce qui se passe. De plus ces studios sont très bien équipés et tournent parfois avec des employés communaux, ils n’ont donc aucun problème de rentabilité et ne rencontrent aucune difficulté pour l’achat du matériel.

Est-ce qu’il y a une orientation musicale particulière au “Petit Mas” ?
Non, ni sur l’activité d’enregistrement proprement dite, ni sur nos productions.

Quel sont les critères qui motivent vos choix ?
Le principal c’est le facteur humain, la rencontre avec un mec… Tu aimes ce qu’il fait, il galère… Et puis, il faut que ça cadre avec notre savoir faire. Il y a des choses qu’on sait faire et d’autre qu’on ne sait pas.

En tenant compte de l’importance de l’argent pour une structure comme la vôtre, les coups de cœur sont-ils encore possibles ?
Pour ce qui est de nos productions, ça a toujours été des coups de cœur, on n’est jamais rentré dans un système en se disant  “Ça va pas nous coûter cher, on va en vendre beaucoup…” C’est certainement une erreur, mais on est de très mauvais commerciaux.

La passion avant tout ?
Bien sûr. Le dernier album qu’on a produit, c’est celui de Toko Blaze. Aujourd’hui, il est fini, on a de très bons contacts pour le placer. On est heureux parce que c’est un artiste super qui a un beau disque à présenter. Si demain ça accroche avec un label suffisamment gros et que ça pète la baraque, tant mieux, sinon ce disque aura au moins le mérite d’exister parce que ça nous plaisait.

Puisque l’on est dans la passion, quel est pour toi le souvenir le plus marquant rattaché à l’histoire du “Petit Mas” ?
Plus qu’un souvenir en particulier, ce qui est marquant c’est que l’on s’est retrouvé quand même à travailler avec des artistes qui ont des envergures internationales, des gens comme Linton Kwesi Johnson, une star du reggae mondiale, un mec qui a un passé extraordinaire. Un jour, à deux heures de l’après midi, on l’a vu débouler ici alors que, quand on avait quinze ans, on écoutait ses disques.

Quelles sont les tendances musicales qui se détachent le plus aujourd’hui au niveau des petites productions ?
Ce qui est vrai pour un studio ne l’est pas forcément pour un autre. “Le Petit Mas”, lui, a été rattaché depuis 1987 au Hip-Hop. C’est dû à notre rencontre avec un groupe de minots qui allaient devenir “I’am”. Philippe Beneytout, mon associé, travaille toujours avec eux en tournée comme ingénieur du son, moi également comme réalisateur et musicien sur certains projets. C’est une longue collaboration qui nous a amenée toute la scène Hip Hop marseillaise, puis nationale et internationale. On a des groupes espagnols, allemands, italiens, suisses qui viennent parce qu’ils aiment le son du Hip Hop marseillais. “Le Petit Mas” a été depuis très longtemps rattaché à cette image-là. L’inconvénient c’est qu’ils y a des gens qui font du rock par exemple et qui n’osent pas venir. 

“Le Petit Mas” n’est pas seulement le bastion du Rap ?
Non, on fait d’autres choses, l’Album de Kanjar’oc, entre autre, qui est vraiment un groupe de rock.

Pour beaucoup, le Rap à force de revendiquer, de dénoncer finit par s’auto-parodier. Tous ces artistes ont-ils un véritable souci revendicatif comme on a pu le voir dans les années 60-70 ?
C’est la même chose, mais au-delà du côté revendicatif il y a un truc qui est très fort, c’est qu’on avait perdu le sens du texte et qu’ils l’ont ramené… L’importance des mots, du poids des mots, pas seulement le contenu qu’il soit revendicatif ou social. C’est vraiment eux qui ont ramené ça, pour moi c’est la plus grosse force du mouvement.

Toi qui travailles avec de “vrais gens” et surtout en tant qu’artiste, que penses-tu du déferlement des stars jetables du style “La nouvelle Star” qui monopolisent l’attention des médias ?
C’est une émission de télévision. Ça n’a rien a voir. il n’y a pas de débat en fait. Comment savoir ce qui est vrai ou pas… Samedi, je suis allé voir Cali et je me suis régalé, j’ai vu un mec qui a galéré 15 ans et lui c’est un vrai artiste. Les minots de la télé, je ne me pose pas la question. Ce n’est pas le même métier…

Le téléchargement de titres sur le net, pour ou contre ?
Je suis plutôt pour. Simplement il faut trouver le bon moyen pour rémunérer les artistes. Quand tu vas manger dans un restaurant, tu écoutes de la musique, le propriétaire paie une taxe à la Sacem, donc, je pense qu’un fournisseur d’accès doit lui aussi payer cette taxe.

Va-t-on vers une mort annoncée des petits labels ?
C’est plutôt la mort des gros. Avant, au niveau mondial, il y avait quinze majors, maintenant ils sont quatre, ils fusionnent mais les labels qui sont sous leur coupe sentent que le vent tourne. On en voit déjà qui préfèrent retrouver leur indépendance pour survivre. C’est vraiment une grosse mutation due aux nouvelles technologies, Internet et compagnie…

Avant de nous quitter. Je sais que tu prépares ton nouvel album…
Oui, mon groupe s’appelle “Portobello”, nous préparons un album de rock qui est presque terminé, on l’enregistre “live” à l’ancienne en prise directe. On va commencer les concerts dès cet été.

Jean-Claude Di Ruocco

LE PETIT MAS –  Production – Édition
2, Avenue Georges Braque – 13500 Martigues – Tél. : 04 42 49 23 29
Site : www.lepetitmas.com – Mail : info@lepetitmas.com

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *