ART SUD – Numéro 56
1er Trimestre 2007
Après tant de livres consacrés à ces deux géants, pourquoi aujourd’hui cet ouvrage ? La réponse est simple : personne n’arrivera jamais à épuiser les sources d’inspirations que procure la simple observation de leurs œuvres, car là où s’arrête l’analyse cohérente de leurs techniques ou de leurs influences, que nous laisserons aux spécialistes, commence alors l’interprétation personnelle et l’expression de sentiments, souvent contradictoires, qui sont une source inépuisable de réflexions. Laurence Madeline, ouvre des voies entre deux univers qui de prime abord semblent si différents : d’un côté le peintre sacrifié, la métaphore poétique et tragique de la vie d’artiste avec tout ce que cela implique de souffrance et d’autodestruction, de l’autre le créateur ultime qui a choisi la vie, l’éclatante logique novatrice d’un art en perpétuel mouvement. La où Vang Gogh cache sa détresse derrière des couleurs réinventées, véritables feux d’artifices émotionnels, Picasso va à l’essentiel, chaque touche tranche dans le vif du sujet, parfois l’implication politique prend une dimension sacrée et toujours cette exubérance comme un paradoxe ironique au cœur du dépouillement d’un message universel… et pourtant, il existe une évidente filiation entre ces deux maîtres. Tant de points communs, notamment leur attirance pour la vie moderne, la littérature ou l’appropriation que tous deux font des œuvres des autres peintres. Van Gogt adaptait, dans son langage pictural, les créations de ses prédecesseurs, Picasso réinterprétait l’essentielle vérité d’œuvres connues. Au fil des pages, les reproductions de tableaux nous interpellent avec force et les textes sont autant d’indications précieuses. Le parallèle sans cesse, des œuvres de Vincent et les copies qu’en à fait Pablo, au delà des mots, sont la preuve de ce lien qui les lit, de la fascination que Picasso avait pour son aîné, pour sa peinture, au point d’en extraire toute la souffrance, comme si Van Gogh l’avait sauvé en le sommant, par son exemple, de ne pas être victime de son art. Laurence Madeline nous raconte cette magnifique relation.Ce livre superbe est une porte ouverte sur deux mondes parallèles, qui, lorsqu’ils se rencontrent, tel le lierre qui habille le béton froid qui nous tue, réinvente un éternel espoir dans les cœurs des hommes épris de beauté.
Jean-Claude Di Ruocco
180 pages – Edition La Martinière – 39 euros